Avec la croissance forte du nombre de projets de jeux de rôles proposés en souscription depuis 2012, des débats naissent un peu partout sur les avantages et inconvénients de ce système de financement participatif appliqué à notre loisir. Surtout avec les deux principaux projets en cours : la nouvelle édition de INS/MV chez Raise Dead et ses près de 90 000 euros et surtout la 7e édition de L’Appel de Cthulhu chez Sans-Détour qui a d’ores et déjà battu tous les records en ayant levé à ce jour plus de 200 000 euros.
J’ai tenté d’effectuer un recensement des différents projets sur la toile : j’ai dénombré 49 projets financés depuis le lancement de Lacuna en octobre 2011 (par 500 nuances de Geek, ex-Narrativiste éditions). 84 % de ces projets ont été financés sur la plateforme Ulule, 12 % sur la plateforme de l’éditeur Black Book, 2 % sur un site dédié (Shaan Renaissance) et enfin un dernier projet (2 %) via la petite plateforme Octopousse. Je précise que tous mes propos se font sauf erreur : si vous en détectez, commentez et j’amenderai !
Parmi ces 49 projets, on retrouve de tout : des financements de livres de base originaux, des traductions, des projets de suppléments, écrans, etc. Six projets relèvent de l’auto-édition mais la grande majorité ont été portés par 15 maisons d’édition différentes. En moyenne chacune a touché près de 17 500 euros par projet avec environ 180 donateurs. En réalité la fourchette est large : Pavillon noir 2e édition (Black Book) a levé 157 000 euros en 2013 avec 874 donateurs quand par exemple le précurseur Lacuna n’avait levé que 1 159 euros grâce à ses 59 donateurs.
Les maisons d’edition de JDR les plus actives sur les plateformes de crowdfunding en nombre de projets ont été Ludopathes (10 projets financés), Icare (6 projets), JDR Editions et Black Book (5 projets chacun).
Voici la liste complète :
Maison | Projets | % |
500 nuances de geek | 4 | 8% |
Agate RPG | 3 | 6% |
Auto-édition | 6 | 12% |
Black Book | 5 | 10% |
Ecuries d’Augias | 1 | 2% |
Editions Ageektion | 1 | 2% |
Editions Icare | 6 | 12% |
Footbridge | 1 | 2% |
JDR Editions | 5 | 10% |
Lapin Marteau | 1 | 2% |
Ludopathes | 10 | 20% |
Megara | 1 | 2% |
OLIZ | 1 | 2% |
Origames | 1 | 2% |
Orygins | 1 | 2% |
Scriptarium | 2 | 4% |
Les avantages du crowdfunding pour les maisons d’édition de JDR
Ils sont évidents : de la trésorerie immédiate pour financer leur projet, et donc payer les à-valoir des auteurs, les cachets des illustrateurs et traducteurs, les factures des imprimeurs, diffuseurs, etc. Les risques financiers sont donc très limités sur un projet d’édition en financement participatif, en tout cas si le porteur a bien fait ses calculs en amont.
Cela change profondément le rôle de l’éditeur car si la somme souscrite permet de financer l’ensemble de la production du projet (ce qui n’est pas forcément le cas pour les petites souscriptions), cela signifie que l’éditeur devient en fait un agent éditorial, chargé de la bonne gestion du projet mais plus du tout responsable d’un éventuel risque financier.
Voici le récapitulatif des gains de chaque maison :
Maison | Sommes levées | Somme moyenne levée par projets |
Black Book | 367 322 € | 73 464 € |
Agate RPG | 131 398 € | 43 799 € |
Ludopathes | 108 702 € | 10 870 € |
JDR Editions | 67 209 € | 13 442 € |
Editions Icare | 46 214 € | 7 702 € |
Origames | 30 604 € | 30 604 € |
Footbridge | 23 108 € | 23 108 € |
Scriptarium | 19 348 € | 9 674 € |
500 nuances de geek | 16 365 € | 4 091 € |
Lapin Marteau | 12 626 € | 12 626 € |
Auto-édition | 12 082 € | 2 014 € |
Editions Ageektion | 6 587 € | 6 587 € |
Orygins | 4 527 € | 4 527 € |
Ecuries d’Augias | 3 993 € | 3 993 € |
OLIZ | 1 919 € | 1 919 € |
Megara | 1 617 € | 1 617 € |
Ce qui me dérange personnellement dans la démarche de financement participatif quand elle est utilisée par des structures professionnelles (pour les associations, les particuliers, c’est bien entendu différent), c’est que cela devient d’avantage le moyen de créer le buzz avant même la sortie, tout en levant des sommes d’argent parfois considérables en se dédouanant donc du pari économique que constitue traditionnellement un projet éditorial.
Plus grave : l’éditeur qui arrive à financier tout ou partie de son projet grâce à la souscription, même quand il livre ses donateurs à temps, en profite systématiquement ensuite pour faire des bénéfices en continuant d’exploiter le titre en librairie. A mon sens, tout excédent devrait être reversé presque exclusivement aux auteurs et illustrateurs du projet, car je me permets de la rappeler : si traditionnellement les profits vont à l’éditeur, c’est uniquement parce que celui-ci est sensé avoir pris un risque financier en amont. Mais s’il n’a en fait eu qu’à faire office d’agent éditorial, il n’y a aucune raison qu’il bénéficie d’une rente ; ou plutôt il devrait logiquement redistribuer cette éventuelle rente aux différents donateurs…
Je vous rassure, je ne pense pas qu’il y ait énormément de projets dans les 49 traités ici qui aient généré de grosses sommes d’argent ! Mais c’est tout de même une question de principe. Surtout quand on voit un éditeur installé (Sans-Détour) lancer une souscription pour une locomotive historique de l’industrie du JDR (L’Appel de Cthulhu) et réussir à lever plus de 200 000 euros ainsi (et ça continue encore pendant 3 semaines)… Ce cas-là me pose un problème particulier car le financement participatif a été pensé pour permettre la création, pas pour faciliter la production d’un des rares ouvrages de JDR sur le marché qui aurait été de toutes façons rentable (a priori).
Les inconvénients du crowdfunding pour les rôlistes
Ils sont aussi évidents que les avantages pour les éditeurs : le généreux donateur devra attendre la sortie malgré son paiement immédiat, et surtout faire confiance au porteur du projet pour le mener à bien. Un cas extrême est l’abandon pur et simple, comme pour Sokara, le projet porté par Megara entertainment qui avait levé 1 617 euros en mai 2012 mais avait dû finalement renoncer à la sortie du livre.
Les sommes en jeu sont parfois importantes : si en moyenne chaque donateur injecte environ 100 euros dans une souscription JDR, cela peut monter jusqu’à 170 euros pour Shaan Renaissance, 180 euros pour Pavillon noir 2e édition et même 240 euros pour les 6 suppléments de Polaris (Black Book).
Souvent, les problèmes autour des souscriptions surviennent sous forme de retards parfois très importants dans la livraison des contreparties promises aux donateurs. Si la moyenne du délai entre la fin de la souscription et la livraison aux participants est d’environ 7 à 8 mois, là aussi les cas peuvent être très différents : Within des Ecuries d’Augias aura fait attendre presque 3 ans ses fans, tandis que Subabysse des Ludopathes par exemple avait pu être livré au bout de deux mois environ.
Nous ne retenons dans le tableau qui vient ci-dessous que les délais pour les projets effectivement déjà livrés : notons que beaucoup de projets financés ne sont pas encore dans ce cas, et certains même en souffrance depuis longtemps. Sur 49 projets, un a été annulé, et 13 sont encore en attente de livraison. Sur ces 13, 2 souscriptions ont pourtant été achevées en 2012, 4 en 2013, le reste en 2014 et 2015 et donc encore possiblement dans les délais moyens de livraison.
Et c’est ici que nous touchons donc le principal problème du crowdfunding : la confiance. Ces 6 projets en souffrance concernent seulement 2 éditeurs :
- Black Book pour Pavillon noir 2e édition et les suppléments (écran et campagne) pour Deadlands Reloaded, avec respectivement des délais d’un an et demi et d’un an et trois mois (pourtant les donateurs avaient déboursé en moyenne respectivement 180 et 190 euros !) ;
- Ludopathes pour Antika (2 ans et demi d’attente pour les derniers souscripteurs qui doivent recevoir leur ouvrage en ce moment), un supplément pour Shade (2 ans et 3 mois), un supplément pour Aventures du monde intérieur (2 ans) et enfin l’écran pour Subabysse (1 an et 9 mois).
Voici enfin le tableau récapitulatif des délais par éditeurs (Megara est exclu puisque n’ayant jamais livré ses souscripteurs) :
Maison | Délai moyen par projets (en jours) |
Ecuries d’Augias | 1 065 |
Footbridge | 821 |
Editions Ageektion | 638 |
Agate RPG | 594 |
Lapin Marteau | 457 |
500 nuances de geek | 320 |
Black Book | 290 |
Auto-édition | 274 |
JDR Editions | 224 |
Origames | 214 |
Ludopathes | 207 |
Scriptarium | 198 |
Editions Icare | 189 |
Orygins | 181 |
OLIZ | 120 |
Souhaitons aux souscripteurs de l’Appel de Cthulhu et de INS/MV de ne pas avoir à attendre aussi longtemps !
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